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PRCU Programme de Recherche dans le Champ de l'Urbain | ![]() |
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Gouvernance LA GOUVERNANCE URBAINE ET MÉTROPOLITAINE « La gouvernance a comme objectifs de créer un consensus sur les questions sociétales et d’impliquer un large panel d’acteurs dans leur concrétisation » (Breuer, 2011) Les institutions traditionnelles La région métropolitaine de Port-au-Prince s’étend maintenant de Léogâne à l’ouest jusqu’aux limites de la commune de Cabaret à l’est. Les frontières administratives traditionnelles (communes, sections communales) perdent leur sens face à une telle expansion et imposent une réflexion et une remise en question des modes de gouvernance. Par exemple, une entité relativement homogène comme la vaste zone de Canaan, couvre le territoire de trois communes différentes. De plus, beaucoup d’enjeux deviennent aussi métropolitains : déchets, transport, eau, drainage, hygiène publique, etc. Une commune peut difficilement les résoudre à elle seule. Paradoxalement, malgré le foisonnement des institutions qu’on y retrouve, la région métropolitaine fait face à un certain vide institutionnel et à une confusion des rôles entre les acteurs. Ce n’est pas propre à Port-au- Prince. Toutes les métropoles du monde vivent cette situation avec plus ou moins d’intensité. La rareté des ressources à Port-au-Prince par rapport à des besoins immenses, les pratiques établies et la lourdeur du statu quo, son double rôle de capitale politique et de centre économique comme dans plusieurs métropoles, accentuent toutefois les difficultés de cohésion des acteurs. À cela s’ajoute le fait qu’un grand nombre d’acteurs impliqués dans l’offre de services urbains œuvrent dans le secteur privé informel. Intercommunalité? L’intercommunalité de la région des Palmes (Gressier, Léogâne, Petit-Goâve et Grand- Goâve) démontre les possibilités offertes lorsque des leaders locaux conviennent de s’asseoir à une même table pour tenter de trouver des solutions à des problèmes communs. Ce projet a attiré l’attention et l’appui des organismes nationaux et internationaux, facilitant ainsi la réalisation d’actions concrètes et la pérennité du processus. Cette expérience est porteuse d’un mode de gouvernance qui peut être source d’inspiration. Il faut souligner que l’intercommunalité, pour être efficace rapidement, ne doit pas être imposée. Elle peut toutefois être encouragée et secondée par des incitatifs ou chaque composante y trouve son compte, à défaut de quoi ce genre de projets suscitera méfiance et hostilité. Un des piliers d’une intercommunalité active est aussi la pérennité de la structure administrative qui la soutient. Les expériences étrangères nous démontrent aussi les difficultés qui émergent lorsqu’une communauté régionale est composée d’éléments trop disparates. À moins d’un cadre législatif clair ou de la présence de leaders motivés, le risque d’échec est alors élevé. La reconnaissance des acteurs Au-delà de cette intercommunalité, il y a aussi la nécessaire reconnaissance de la multiplicité et de la diversité des acteurs. La métropolisation entraîne une augmentation du nombre et de la variété des acteurs qui œuvrent dans cet espace, dont au premier chef les organisations citoyennes qui se multiplient au fur et à mesure qu’émergent de nouveaux quartiers. De même, de nouvelles actions gouvernementales se traduisent fréquemment par une nouvelle structure institutionnelle. Cette multiplicité est une source de méfiance pour certains acteurs qui voient leurs zones de pouvoir ou d’influence remise en question. Un des grands défis des dernières années aura été de réaliser des projets d’amélioration du cadre de vie dans les quartiers précaires (au moins 70% de la population) en faisant interagir les institutions traditionnelles, les ONG et autres bailleurs de fonds, et les acteurs locaux (comités de quartier). Ces défis ont été relevés dans de très nombreux cas largement documentés, mais il existe encore des résistances (préjugés, méfiance, déni, peur, etc.). Un apprentissage a été réalisé à ce niveau, mais il reste encore des efforts à faire pour prétendre à une saine gouvernance. Gouvernance et quartiers précaires : le défi de Port-au-Prince Le système urbain métropolitain de Port-au-Prince est largement dominé par la présence de plusieurs centaines de quartiers précaires qui représentent la majorité de l’espace construit et qui abritent la très grande majorité (environ 80% en 2018) de la population résidante. L’expansion récente de l’aire métropolitaine aura confirmé le processus de bidonvilisation. Elle repose donc, dans sa plus grande partie, sur le développement de nouveaux quartiers précaires qui continuent à attirer une population en croissance rapide grâce à un phénomène de migration rurale ininterrompue et d’accroissement naturel des ménages. Les quartiers précaires, par leur importance et avec leurs structures sociales et politiques, sont devenus des acteurs incontournables pour tout processus visant à organiser efficacement l’aire métropolitaine. Aucune mise en œuvre de grands projets, qu’il s’agisse du domaine du transport, de la gestion des déchets, de l’alimentation en eau potable, de la question foncière, de la santé publique ou de tout autre domaine relatif aux services urbains, ne pourra être réalisée de façon durable sans l’implication réelle et active de ces dits acteurs de l’aire métropolitaine. Le grand Port-au-Prince est d’abord et avant tout une vaste mosaïque constituée de ces centaines de quartiers et de leurs millions d’habitants. La compréhension des éléments de cette mosaïque est nécessaire pour tout processus visant à assurer une gouvernance métropolitaine efficiente de Port-au-Prince. De façon particulière, le processus de mise en place de services urbains de proximité dans les quartiers, particulièrement celui de l’alimentation en eau potable, permet de tirer certaines leçons et d’offrir des pistes de réflexion et d’action pour les gestes futurs à poser. On constate ainsi l’importance d’associer les acteurs locaux des différents quartiers et les institutions publiques dans la recherche de solutions durables, équitables et efficaces. En s’appuyant sur les comités de quartier, qui deviennent alors des comités dlo (comités de l’eau), pour installer et opérer une infrastructure d’alimentation en eau potable branchée au réseau public et faisant l’objet d’une entente formelle entre chaque comité de quartier concerné et l’institution étatique responsable, on permet l’accès à un service indispensable, mais surtout la structuration d’un service géré par la collectivité pour le bénéfice de la collectivité, l’établissement d’un rapport formel avec l’État, et enfin une reconnaissance de facto de l’existence du quartier et de la légitimité de ses représentants locaux. La création de ce dialogue entre l’État et les quartiers précaires a certainement été le plus grand succès de ce projet qui se poursuit toujours et qui a connu des variantes avec d’autres volets, tels que l’approvisionnement en électricité dans certains cas. Il permet de bâtir de la société, au sens ou des ressources individuelles sont mises en commun pour le bénéfice du plus grand nombre, le tout étant géré par une organisation représentative du milieu et reconnue comme telle. |