PRCU  Programme de Recherche dans le Champ de l'Urbain


Économie

ÉCONOMIE DE L’AIRE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU- PRINCE

MACROÉCONOMIE, URBANISATION ET MÉTROPOLISATION DE PORT- AU-PRINCE

Questions principales

Cette section essaie de répondre de façon succincte aux questions principales suivantes :
  1. Quelles sont les variables macroéconomiques qui expliquent l’urbanisation rapide en Haïti entre 1971 et 2016 et particulièrement la croissance fulgurante de la population de la Région Métropolitaine de Port-au-Prince ?

  2. Pourquoi cette évolution significative contraste-t-elle avec la croissance plutôt lente de la RMPAP et de la population urbaine en général entre 1804 et 1970?

  3. Quelles sont les perspectives sur le plan macroéconomique et quels impacts les variables macroéconomiques auront-elles sur d’évolution de la Région Métropolitaine de Port-au-Prince ? Après une revue rapide des conséquences de cette croissance rapide de PaP, quelques suggestions sont faites dans l’objectif de ralentir la croissance de la RMPAP et d’arriver à une répartition spatiale plus équilibrée de l’économie et de la population.

Les explications : l’ouverture de l’économie, la faible productivité agricole, la croissance démographique

  1. En Haïti, le phénomène d’urbanisation rapide s’explique, en dépit d’une absence de croissance intensive et de la faiblesse des exportations, par une ouverture sur l’extérieur basée (a) sur l’accroissement rapide des transferts courants privés, (b) l’assistance externe sous forme de prêts et de transferts courants publics et (c) dans une moindre mesure sur l’investissement national et étranger dans les secteurs industriels. Le desserrement – grâce aux flux de financement externe – de la contrainte que constituait la faiblesse du surplus agricole et de l’épargne nationale dans le contexte de l’économie paysanne dominante, a permis la dynamisation et la diversification de l’économie urbaine. La migration externe favorise donc la migration interne.

  2. La croissance de la population et l’augmentation de la densité démographique dans un contexte de stagnation technologique (rendement décroissant de la production agricole par tête) contribuent à alimenter la migration rurale-urbaine ainsi que la migration de la population des provinces vers Port-au-Prince à cause de la perception de meilleures opportunités (emplois salariées et auto-emplois) ainsi que du différentiel de revenus.

Conséquences de l’urbanisation rapide et de la métropolisation de Port-au-Prince

L’urbanisation rapide sans croissance intensive et sans une réelle industrialisation provoque un ensemble de conséquences macroéconomiques négatives bien connues : un taux élevé de chômage et de sous-emploi urbains, un taux élevé de pauvreté et d’extrême pauvreté, le développement d’un secteur tertiaire hypertrophié, un secteur informel qui compte pour plus de deux-tiers du PIB et un peu plus de 80% de l’emploi, des recettes municipales dérisoires, des dépenses publiques locales insuffisantes et mal orientées.

Perspectives et propositions

Port-au-Prince va garder sa position dominante. La migration interne de la population active et non active va se poursuivre et va continuer à alimenter la catégorie des chômeurs et des sous-employés. Il est nécessaire toutefois d’empêcher ou tout au moins de ralentir le taux de croissance de la Région Métropolitaine et de réduire l’écart économique et démographique entre celle-ci et les autres régions du pays. Pour atteindre cet objectif, il faut tout d’abord élaborer et appliquer une véritable stratégie de croissance et supporter cette stratégie par une politique économique cohérente. Il faut viser une croissance intensive (5-6%) à moyen-long terme spatialement équilibrée. Un des objectifs explicites de cette stratégie de développement devrait être la déconcentration et la décentralisation politique et économique à travers le développement des chefs lieux de département et surtout des villes moyennes. Cette politique, pour être crédible, devrait être traduite concrètement dans une programmation budgétaire de long terme.

L’ÉCONOMIE INFORMELLE DANS L’AIRE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE

Soyons clairs : il ne faut pas dénigrer l’informel. Il est une source de revenu pour des millions d’Haïtiens; il génère 50% du PIB du pays et est souvent le résultat d’une grande créativité. Cependant, par définition, il ne fournit aucune ressource à l’État. Aussi, sa productivité étant souvent relativement faible, les revenus qu’il génère le sont également. Un plus fort taux de formalité permettrait de consolider le rôle de l’État et d’améliorer le niveau de vie des ménages. Trois aspects seront abordés : l’emploi, les revenus, les politiques.

L’emploi

Quelques chiffres. Dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince (AMPAP), en 2012, selon l’enquête IHSI-DIAL publiée en 2014, 77,1% des emplois se trouvent dans le secteur informel, c’est-à-dire dans des entreprises – ou des unités – dépourvues de la patente, non enregistrées. Cependant, parmi ces emplois, 91,5% – seulement ? – ne sont pas déclarés, les autres, 8,5%, sont protégés par un système de couverture volontaire.

14% des emplois se trouvent dans le secteur privé formel. Parmi ces emplois, 49,8% ne sont pas déclarés et de ce fait se trouvent informels.

8.1% des emplois se trouvent dans le secteur public. Parmi ces emplois, 37,6% ne sont pas déclarés et de ce fait se trouvent informels.

On peut calculer qu’en 2015, le nombre d’emplois formels dans l’AMPAP était de l’ordre de 77 500. Si le taux de formalité se maintient jusqu’en 2030 – et n’augmente pas - on estime qu’on aura créé chaque année en moyenne 3 645 emplois formels. C’est tout à fait possible et on peut même s’attendre à ce que ce scénario se réalise.

Ce point de vue est confirmé par les prédictions des économistes et par une enquête d’opinion menée par le projet. Selon cette enquête, à la question : « Pensez-vous que l’économie informelle continuera de dominer le système économique métropolitain? », 35 enquêtés sur 50 répondent clairement: oui, 7 enquêtés ne répondent pas, 7 enquêtés ont une réponse ambigüe et 1 enquêté répond clairement: non

Les revenus

En 2012, on avait un taux de change de 40 gourdes/1$US, 1000 gourdes valaient 25$US. Dans l’informel de l’aire métropolitaine, y compris les revenus nuls, le revenu mensuel moyen était de 7 620 gourdes, soit 190,5 $US. Hors les revenus nuls, le revenu mensuel moyen était de 8 810 gourdes, soit 220,25 $US. Dans le privé formel et le secteur public, les revenus mensuels étaient sensiblement plus élevés : 22 700 et 26 100 gourdes, soit 567 $US et 652,50 $US respectivement.

Pour l’ensemble de l’aire métropolitaine, le revenu mensuel moyen, y compris et hors revenus nuls, est de 11 230 et 12 570 gourdes, soit 280,75 $ US et 314,25 $US respectivement. Par ailleurs, les différences de revenus mensuels moyens entre l’aire métropolitaine d’une part, « l’autre urbain » et le « rural » d’autre part, sont notables. Les revenus sont beaucoup plus élevés dans l’aire métropolitaine. Près du double comparé à « l’autre urbain » et 4.8 fois plus élevé par rapport au « rural ». L’attraction de l’aire urbaine métropolitaine est dès lors certaine. L’analyse des revenus médians renforce encore cette conclusion.

Les politiques

Les politiques visant à augmenter le taux de formalité de l’économie sont nombreuses et diverses, elles vont de la macroéconomie à la microéconomie, de l’incitation à la coercition. La plupart ne sont pas faciles à appliquer. Mais, comme le soutenait Albert Hirschman, « il faut d’abord commencer et ensuite agir de façon à ne pouvoir arrêter ».

POIDS RELATIF DE L’ÉCONOMIE INFORMELLE DANS L’ÉCONOMIE HAITIENNE

Deux estimations convergent vers le taux de 50%. Un poids relatif de 50% du secteur informel dans l’économie Haïtienne semble tout à fait réaliste. Les différentes branches de l’économie informelle qui regroupent pas loin de 90% des actifs constituent des marchés mettant en contact la majorité des petits et micro-opérateurs économiques et l’immense majorité des consommateurs. Ce large secteur informel comprend pratiquement toute l’agriculture, la commercialisation de la production agricole, la petite et micro-production de biens manufacturés et la vente au détail des marchandises importées. Cette dernière activité a pris de plus en plus d’importance au cours de ces 30 dernières années parallèlement à l’urbanisation croissante de l’économie.

LE PROJET LAFITEAU GLOBAL

Le projet Lafiteau Global du Group GB va au-delà du port Lafiteau. Il prévoit la création d’une zone franche et d’un parc industriel, de parcs de jeu, d’un espace commercial, d’une clinique médicale, d’une centrale électrique de 25 mégawatts et d’un village. C’est un projet de zone économique intégrée répartie sur plus de 400 hectares. Les promoteurs prévoient la création de 25 000 emplois pendant les cinq années d’exécution du projet.

D’après son site Internet (http://gbgroup.com/our-businesses/infrastructure/lafito-global/), le projet Lafiteau Global est conçu pour :
  1. Engendrer la création de nouveaux emplois en Haïti;

  2. Établir une logistique régionale attrayante ;

  3. Devenir un centre industriel de choix dans la région.
Les défis sont nombreux.